Le relief normand : entre massif et sédiment

Le relief en Normandie se modèle sur deux structures bien distinctes : à l’est, la couches sédimentaires de la bordure occidentale du Bassin parisien; à l’ouest, les roches anciennes, d’âge primaire, du massif normand-breton. Ces deux grandes régions s’opposent nettement, par leur relief, comme par leurs sols.

La Normandie sédimentaire

La Normandie sédimentaire présente un vaste ensemble d’horizons calmes de plateaux très faiblement ondulés dont la surface topographique recoupe en biseau les couches, généralement crayeuses, des assises crétacées qui plongent vers le nord-es sous les terrains plus récents du centre du Bassin parisien. Tous ces plateaux de la Normandie orientale (pays de Caux, Roumois, plaines de l’Eure, Lieuvin, pays d’Auge, pays d’Ouche) sont recouverts d’argile à silex provenant de la décomposition de la craie sous les climats chauds et humides du tertiaire. Ils constituent une vaste surface d’érosion qui est le trait majeur du relief de la région. Rien de vraiment monotone cependant dans ce modelé. Les limons quaternaires recouvrent d’un manteau irrégulier et d’une remarquable valeur agricole l’argile à silex du Caux, du Vexin, du Roumois, du Neubourg, mais il manque sur les plateaux les plus élevés du Caux oriental et du pays d’Ouche que parsèment des grès et des sables tertiaires. Au nord de la Seine, le réseau hydrographique est indigent, sauf autour du pays de Bray, alors qu’au sud, divergent du pays d’Ouche et des hauteurs du Merlerault, l’Eure, l’Avre, l’Iton, la Risle et la Touques dont les vallées s’encaissent dans les plateaux qu’elles fragmentent. Mais surtout, trois accidents majeurs interrompent la continuité des plateaux : le Bray, la vallée de la Seine et le pays d’Auge. Au nord-est, le pays de Bray est une « boutonnière » évidée dans un bombement anticlinal des couches secondaires; dans la «fosse », entre deux côtes qui se font face, affleurent les argiles, les marnes et les grès du crétacé inférieur. Au centre des plateaux sédimentaires, profitant d’un réseau de failles, la Seine développe dans une large vallée à fond plat d’amples méandres qui opposent aux longues terrasses caillouteuses des lobes convexes le mur crayeux des rives concaves. A l’ouest enfin, probablement relevé le long d’une faille, la craie du crétacé moyen, ici bien réduite, surmonte d’épaisses couches argileuses du crétacé inférieur; sur ce substratum fragile qu’attaquent vigoureusement les affluents de la Dives et de la Touques, le plateau se réduit à quelques langues étroites et le relief se divise en un dédale de collines argileuses: c’est le pays d’Auge qui termine vers l’ouest les grands plateaux de la Normandie orientale par une côte très festonnée.

Le massif ancien

Au-delà, de Carentan à Alençon, s’insère une zone particulièrement basse formée de plaines (Caen, Falaise, Argentan, Alençon) et d’étroits plateaux que séparent de petites côtes (Bessin). Là affleurent, souvent recouvertes de limon, les couches les plus anciennes du bassin sédimentaire, surtout calcaires. Plus à l’ouest encore, le relief s’anime rapidement, les dénivellations s’accentuent, la densité du réseau hydrographique augmente Le massif ancien de la Normandie occidentale oppose la complexité de son relief aux grandes lignes simples de la Normandie sédimentaire. Dans un réseau de collines, de buttes, d’étroits plateaux, de vallées plus ou moins encaissées, rien de comparable à l’unité des plateaux hauts normands. Le substratum du massif n’est pas homongène : toutes les roches qui le constituent sont d’âge primaire, mais entre les masses compactes des schistes briovériens redressés à la verticale par les plus anciens plissements, s’intercalent des massifs granitiques entourés de leurs auréoles métamorphiques (Vire, Athis, la Ferté-Macé) et les plis plus amples des couches cambriennes et siluriennes où affleurent des grès particulièrement durs. Toutes ces couches cependant n’ont pas échappé à l’érosion vigoureuse de la fin du primaire (surface post hercynienne) et à celle de l’époque tertiaire : la grande surface de la Normandie orientale se prolonge sur le massif ancien, mais déformée par des failles ou de grands mouvements d’ensemble, plus ou moins bien conservée sous l’attaque de l’érosion actuelle, elle se devine sans imposer son évidence. Au-dessus d’une «mer de croupes », assez molles dans les schistes, plus vigoureuses dans les granites, s’élèvent quelques belvédères conservés dans les roches résistantes (grès, cornéennes). Les hauteurs les plus remarquables forment deux alignements est-ouest qui correspondent à l’affleurement des grès de deux synclinaux hercyniens; les plus méridionales sont les plus élevées (Ecouves, point culminant de la Normandie, 417 m), mais, plus au nord, de Falaise à Granville, celles du « synclinal bocain » sont plus continues (Mont-Pinçon, Jurques). Reliefs résiduels, ces buttes gréseuses n’ont probablement jamais été arasées par la surface tertiaire. Au nord de ces reliefs vigoureux que l’Orne, la Vire et leurs affluents traversent en gorges escarpées, le massif ancien s’efface presque complètement sous les couches liasiques du Bessin et les marais du seuil de Carentan – la Haye-du-Puits. Mais il s’élève de nouveau, au nord du Cotentin, avec le promontoire escarpé de la Hague et les croupes plus molles du val de Saire.